COUR D’APPEL DE L’ONTARIO
RÉFÉRENCE : R. c. Provencher, 2015 ONCA 510
DATE: 20150708
DOSSIER: C57234
La juge en chef adjointe Hoy et les juges Blair et Benotto
ENTRE
Sa Majesté la Reine
Intimée
et
Claude Provencher
Appelant/Requérant
Nicholas St-Pierre, pour l’appelant
Michael Kelly et Grace Choi, pour l’intimée
Date de l’audience : le 26 juin 2015
En appel de la condamnation imposée par le juge Paul U. Rivard de la Cour supérieure de justice le 21 janvier 2013.
INSCRIPTION
[1] L’appelant, Claude Provencher, se présente comme étant « un porteur de don de guérison de Jésus Christ ». Il demandait que ses clients soient entièrement ou presque nus pendant les sessions de guérison.
[2] La plaignante, Trina Breault, souffrait de douleur aux articulations et de mal de dos. Son mal de dos était tellement grave qu’elle devait utiliser un fauteuil roulant de temps en temps et qu’elle était dépressive. Comme dernier espoir, elle est allée voir l’appelant six fois. Elle a allégué qu’au-delà de la portée du traitement, l’appelant lui a tapoté et brassé le sein sans son consentement.
[3] À la suite d’un procès devant juge, l’appelant a été déclaré coupable de six chefs d’agression sexuelle, de non-respect des conditions de probation soit de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite, et 22 chefs d’omissions de se conformer à l’obligation de « ne pas être seul en présence d’une cliente lors d’une session spirituelle et d’aviser ses clients de cette condition ». Le tribunal lui a imposé une peine de 12 mois d’emprisonnement suivi de trois ans de probation. Il a purgé sa peine et interjette appel de la déclaration de culpabilité.
[4] En appel, l’appelant soulève quatre arguments. Il soutient que :
1. Le juge a commis une erreur de droit en utilisant le fait que l’appelant avait fait de fausses représentations pendant le voir-dire en déterminant sa crédibilité;
2. La conduite du juge pourrait susciter une crainte de partialité chez un observateur raisonnable;
3. Le juge a commis une erreur de droit en affirmant que l’appelant a violé la condition de l’engagement « de ne pas être seul en présence d’une cliente lors d’une session spirituelle et d’aviser vos clients de cette condition »; et
4. Le juge a commis une erreur de droit ou a prononcé un verdict déraisonnable en déterminant que la preuve était suffisante pour condamner l’appelant d’agression sexuelle.
[5] Nous aborderons ces arguments à tour de rôle.
(1) Usage de la preuve inadmissible
[6] Pendant son interrogatoire principal, l’appelant a essayé de raconter ce que son ancien avocat avait dit lors d’une comparution visant à modifier son obligation de « ne pas être seul en présence d’une cliente lors d’une session spirituelle ». Le juge lui a expliqué que ce que son avocat avait dit constituait du ouï-dire et qu’il devait demander à son ancien avocat de venir témoigner. Le juge lui avait expliqué au début du procès comment assigner un témoin et il le lui a expliqué de nouveau. L’appelant a répondu qu’il demanderait à son ancien avocat de venir témoigner.[1] C’est dans ce contexte que le juge a fait référence aux fausses représentations que l’appelant avait faites lors du voir-dire. Le juge n’a pas fait référence à ces fausses représentations au cours de son évaluation de la crédibilité de l’appelant dans son jugement. Nous ne sommes pas persuadés que le juge a utilisé les fausses représentations faites par l’appelant lors du voir-dire de la façon alléguée.
(2) Une crainte raisonnable de partialité
[7] Le critère pour déterminer s’il y a une crainte raisonnable de partialité est de savoir si une personne raisonnable et bien renseignée, qui est au courant de l’ensemble des circonstances pertinentes et qui étudie la question de façon réaliste et pratique, conclurait que la conduite du juge soulève une crainte raisonnable de partialité : Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, 383 D.L.R. (4th) 579, au para. 37.
[8] La présomption d’impartialité judiciaire est forte et n’est pas facilement réfutable : Yukon au para 25.
[9] L’appelant soutient que la conduite suivante du juge soulève une crainte raisonnable de partialité :
(i) Au cours de son évaluation négative de la crédibilité de l’appelant, le juge a écrit que, « [i]ncroyablement, il prétend avoir un don de guérison de Dieu. »
(ii) Le juge a fait certains commentaires au cours du procès que l’appelant soutient démontre la partialité.
(iii) Le juge était interventionniste lors de la présentation de la preuve lors de l’interrogatoire principal de l’appelant.
(iv) Le juge a accordé moins de temps que l’appelant avait demandé pour préparer le contre-interrogatoire d’un témoin.
[10] L’appelant ne réfute pas la présomption d’impartialité judiciaire.
[11] L’appelant admet qu’en évaluant sa crédibilité, le juge avait le droit de considérer qu’il était très peu probable (enfin pas croyable) que l’appelant ait un don de guérison de Dieu. C’est ce que le juge a fait. En plus, ce n’était qu’un facteur dans son évaluation de la crédibilité de l’appelant. La phrase en question ne soulève pas une crainte raisonnable de partialité.
[12] Bien que quelques commentaires du juge du procès aient été un peu secs, ces commentaires, considérés dans le contexte total du procès, sont loin de mener à la conclusion que le procès était inéquitable.
[13] L’appelant s’est représenté lui-même lors du procès. Il avait du mal à se limiter à la preuve pertinente. Il a fallu que le juge soit plus interventionniste lorsque l’appelant témoignait afin de bien gérer le procès et de s’assurer qu’il comprenait le témoignage de l’appelant.
[14] Quoique le juge n’ait pas accordé à l’appelant autant de temps qu’il le voulait pour préparer le contre-interrogatoire d'un témoin, le juge lui a quand même accordé une période de temps raisonnable. Il faut aussi se rappeler que le juge a rejeté la demande de la poursuite que la preuve des actes similaires antérieurs dont l’appelant avait été déclaré coupable soit admise. De nombreux autres incidents font preuve que le juge a géré le procès d’une façon équitable. Par exemple : le juge a accordé la requête de l’appelant permettant à son amie de l’aider; le juge a permis à l’appelant d’apporter des notes pour son témoignage; et le juge a permis à l’appelant le choix de plaider en dernier.
(3) Violation de la condition de l’engagement « de ne pas être seul en présence d’une cliente lors d’une session spirituelle »
[15] En 2008, l’appelant a été accusé d’agression sexuelle à Sudbury. L’appelant a témoigné que suite à ces accusations, il a accepté la condition en question. Il admet que lorsqu’il a signé cet engagement de caution, il a compris qu’une session spirituelle était une session de guérison.
[16] Le juge a fait référence à un dictionnaire – le Petit Robert – qui définit le mot spirituel comme « propre ou relatif à l’âme en tant qu’émanation et reflet d’un principe supérieur, divin ». Il a conclu que puisque l’appelant « prétend que dans ses sessions de guérison, il se sert des dons de Dieu, les sessions sont spirituelles ».
[17] La conclusion du juge est raisonnable et compatible avec les faits admis par le juge.
(4) Preuve suffisante pour condamner l’appelant d’agression sexuelle
[18] Le juge a conclu que lors de chacune des six séances avec Madame Breault, l’appelant « lui toucha le sein sans son consentement et que ce[t] [at]touchement avait un contexte sexuel ». Ces conclusions s’appuyaient sur la preuve que le juge a trouvé crédible et étaient raisonnables. Il n’a commis aucune erreur.
Disposition
[19] L’appel est donc rejeté.
« Alexandra Hoy A.C.J.O. »
« R.A. Blair j.c.a. »
« M.L. Benotto j.c.a. »
[1] Il ne l’a ensuite pas fait