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COUR D’APPEL DE L’ONTARIO

RÉFÉRENCE: R. c. Maliki, 2015 ONCA 204

DATE: 20150326

DOSSIER: C58119

Les juges Rouleau, van Rensburg et Pardu

ENTRE

Sa Majesté la Reine

Intimée

et

Hervé Maliki

Appelant

Hervé Maliki, en personne

Christine Mainville, avocate de service

Philippe Cowle, pour l’intimée

Date de l’audience : le 5 février 2015

En appel de la peine imposée le 13 décembre 2013 par le juge Gilles Renaud de la Cour de justice de l’Ontario.

Rouleau j.c.a. :

[1]          L’appelant demande l’autorisation d’interjeter appel de la peine et, si l’autorisation est accordée, demande le réaménagement de la peine à la lumière des conséquences relatives à l’immigration. Au procès, l’appelant a été reconnu coupable de quatre chefs d’introduction par effraction, quatre chefs de bris de probation et cinq chefs de bris d’engagement. Il a été condamné à 18 mois de prison pour chaque chef d’introduction par effraction et quatre mois de prison pour chacun des autres chefs. Toutes les peines imposées étaient concurrentes.

[2]          L’appelant ne demande pas une réduction de la peine totale mais, plutôt, il prétend que le juge du procès a erré en imposant des peines concurrentes de 18 mois pour chaque chef d’introduction par effraction. Dans les circonstances, le juge aurait dû imposer une série de peines à purger consécutivement totalisant 18 mois, où aucune peine individuelle ne serait de plus de six mois moins un jour. Ceci ferait en sorte que l’appelant, un résident permanent au Canada, ne perdrait pas son droit de faire appel d’une mesure de renvoi (voir l’art. 64 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27).

[3]          L’avocate de service qui a aidé l’appelant dans ses plaidoiries a soutenu que nous étions en mesure d’intervenir en appel puisque le juge du procès aurait commis plusieurs erreurs. En l’espèce, il :

1.            n’a pas accordé de poids au fait que les infractions ont été commises alors que l’appelant était sous l’influence de l’alcool, un facteur atténuant;

2.            n’a pas accordé la considération qui était proprement due à la perspective de réhabilitation et à la dépendance de l’appelant à l’alcool afin de déterminer la peine à imposer;

3.            n’a pas tenu proprement compte des conséquences relatives à l’immigration; et

4.            a erré dans son évaluation de la fourchette de peines qui s’appliquait dans des circonstances semblables.

Ainsi l’appelant maintient que la peine infligée ne mérite aucune déférence et que notre cour devrait lui substituer la peine structurée selon sa demande.

[4]          À mon avis, l’appel doit être rejeté. L’appelant a été reconnu coupable de cambriolages de maison d’habitation, et ceci quand il faisait l’objet d’un couvre-feu et de conditions le contraignant à être de bonne conduite. Tel que constaté par le juge du procès, les infractions étaient sérieuses pour les victimes. Les quatre chefs d’introduction par effraction ont violé le sentiment de sécurité des résidents de ces habitations : R. v. Alves, [2008] O.J. no. 2597 (S.C.), au para. 4, conf. pour d’autres motifs par 2009 ONCA 666 ; R. v. Snow, 2007 ONCJ 426, au para. 6. De plus, dans au moins un cas, le vol de sous-vêtements de la victime a ajouté au désarroi découlant des crimes commis.

[5]          Malgré son jeune âge – 25 ans au moment de l’imposition de la peine – l’appelant n’était pas sans antécédents. Parmi les condamnations antérieures on compte des condamnations pour cambriolage et des crimes de vol et de bris de conditions. Dans un des cas, il a purgé trois mois de prison.

[6]          Les motifs du juge du procès démontrent qu’il a reconnu le potentiel de réhabilitation de l’appelant et qu’il a aussi tenu compte du fait que l’appelant souffrait d’alcoolisme. Le juge du procès a commenté que l’appelant semblait sérieux dans ses démarches pour surmonter cette dépendance et a fait référence au rapport d’expert déposé en preuve, un rapport qui, selon le juge, « laisse entrevoir la vraie possibilité que monsieur Maliki puisse surmonter ses difficultés au niveau de l’alcool ».

[7]          En ce qui a trait aux conséquences relatives à l’immigration, je suis persuadé que le juge du procès était conscient du fait que l’appelant était résident permanent et que, s’il imposait une peine de six mois ou plus de prison pour un des chefs d’accusation, l’appelant perdrait son droit de faire appel d’une mesure de renvoi aux termes de l’art. 64 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Dans sa plaidoirie devant le juge du procès, la procureure de l’appelant avait expliqué ces conséquences et avait cité les autorités pertinentes, dont R. v. Hennessey, 2007 ONCA 581, 63 Imm. L.R. (3e) 8, ainsi que R. c. Pham, 2013 CSC 15, [2013] 1 R.C.S. 739. De plus, la procureure de l’appelant avait déposé en preuve un rapport d’expert en immigration dans lequel il confirmait qu’une série de peines consécutives, chacune de moins de six mois, éviterait ces conséquences sérieuses.

[8]          Tel que le souligne l’appelant, la jurisprudence démontre que la fourchette de peines appropriée pour l’infraction d’introduction par effraction est très large. Dans certaines circonstances, un contrevenant peut même se voir condamné à un emprisonnement avec sursis.[1] Par contre, c’est le juge du procès qui est le mieux placé pour fixer la peine appropriée. En l’espèce, le juge du procès a analysé tous les facteurs pertinents, ce qui l’a mené à la conclusion que « [c]es crimes sont fort trop importants et [l]es antécédents récents [de l’appelant] sont tels, qu’il est impossible d’éviter une peine frisant ou dépassant le seuil de deux ans, sans les facteurs atténuants d’importance majeure, et ceux présents en l’espèce ne justifient qu’une réduction partielle. » Il a donc imposé une « peine de 18 mois pour chaque cambriolage avec confusion, afin de respecter le principe de la totalité, » et une peine de quatre mois pour chaque bris de probation et d’engagement,  « toujours avec confusion. »

[9]          À mon avis, la peine de 18 mois imposée pour chaque chef d’introduction par effraction ainsi que la décision d’infliger des peines concurrentes étaient raisonnables compte tenu de la jurisprudence, de la sévérité des infractions et des circonstances de l’appelant. Contrairement à Pham et à Hennessey, dans la présente affaire, le juge du procès était au courant du droit relatif à l’immigration et de l’impact collatéral de la peine sur l’appelant. En outre, rien ne laisse entendre que le juge du procès n’a pas tenu compte de ce droit et de cet impact. Sa décision d’infliger des peines concurrentes doit être traitée « avec la même retenue que celle dont les cours d’appel doivent faire preuve envers les juges qui ont infligé des peines en ce qui concerne la durée de ces peines » : R. c. McDonnell, [1997] 1 R.C.S. 948, au para. 46. En l’absence d’une erreur de principe, ou d’une peine qui n’est manifestement pas indiquée, nous ne sommes pas en mesure d’intervenir.

[10]       Pour ces motifs, j’accorderais l’autorisation d’interjeter appel, mais je rejetterais l’appel.

Rendu le : 26 mars 2015

          (PR)                                                                       « Paul Rouleau j.c.a. »

                                                                 « Je souscris K. van Rensburg j.c.a. »

                                                                             « Je souscris G. Pardu j.c.a. »



[1] Une peine d’emprisonnement avec sursis n’est plus disponible pour une introduction par effraction commise relativement à une maison d’habitation, qui est un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité : depuis le 20 novembre 2012, l’art. 742.1(c) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, prévoit qu’un tribunal ne peut pas ordonner à un contrevenant de purger sa peine dans la collectivité si le contrevenant a été déclaré coupable d’une infraction poursuivie par mise en accusation et passible d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans ou d’emprisonnement à perpétuité. Cependant, l’appelant a commis les délits qui donnent lieu à la peine portée en appel le 11 octobre 2012, ce qui signifie qu’une peine d’emprisonnement avec sursis reste possible dans son cas.

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